brève de mars

Le tango est-il  bon pour la santé ?

            Nous vivons au temps du « tout thérapeutique » : du bio au taï-chi, du yoga au développement personnel, tout y passe et plus c’est exotique plus c’est spirituel. Et le tango en fait partie. Les associations ne sont pas rares dans le milieu : « Feldenkrais tango », «taï-chi tango », « yoga tango », « thérapie, voire thérapie de couple tango »…. Autant d’associations qui, quoi qu’on en pense, prennent comme vérité évidente et absolue l’idée que le tango est bon pour la santé !

            Selon moi, ceci est loin d’être évident. Nous évoquerons les tensions subies par le corps dues d’abord à l’environnement incontournable des danseurs puis à la pratique même de cette danse.

Les chaussures à talons 

            La posture des danseuses en talons hauts est une véritable aberration morphologique. Le corps pèse sur une toute petite partie du corps dans une position malfaisante. N’en déplaise aux puristes, des talons supérieurs à 4 ou 5 cm de hauteur ont un effet négatif sur le corps. (oignons – cals – déformations des pieds…). La position de nos pieds influence l’ensemble du corps, que ce soit la colonne vertébrale, les cervicales, le bassin, les genoux, enfin tout ce qu’il y a au-dessus, est influencé en mal par la pratique du tango en talons hauts.

Le sol 

            Trop de professeurs ou organisateurs de milongas proposent des lieux au sol dur et pas assez glissant. Carrelage, béton, et même parfois des parquets en bois non adaptés sont autant de causes de souffrances physiques. Or les déplacements ou surtout les changements de direction sont souvent rapides et en opposition avec le sol. Ils provoquent alors des ondes de choc dans le corps qu’il serait difficile de considérer comme bonnes pour la santé. Ensuite, les pivots forcent sur les articulations des pieds, chevilles, genoux et puis forcément sur le corps entier. Ainsi, les articulations s’useraient prématurément.

 Oui, le tango n’est pas très bon pour les pieds des danseuses mais tellement bon pour le reste ! Poursuivons donc avec le pire obstacle à une thérapie tangotée!!

Les tensions générées par la danse 

  1. La posture :

Beaucoup de danseurs mal conseillés ou prenant le tango comme une danse académique se sont fixé une posture précise (maintien du bassin en avant ou en arrière, position du couple en pyramide, « apilado »). D’autres, tout simplement, courent après la connexion avec le/la partenaire de façon artificielle, c’est-à-dire sans engagement du corps entier. De fait la connexion se fait à la force des bras… Ces postures sont recherchées et ancrées dans les habitudes « pour bien danser », le plus souvent au mépris de son corps et du partage avec le/la partenaire. D’où l’apparition de tensions importantes dans le dos, les bras, les mains. Et nos le verrons, qui dit tension dit pathologies et douleurs à plus ou moins long terme!!!

  1. Les mauvais réflexes :

            On a tous l’image d’un danseur ou d’une danseuse qui a bien dansé dès la première fois. Pour moi, il ne s’agit pas d’un surdoué mais de quelqu’un qui est entré dans la danse plus spontanément, plus naturellement. Ce qui rend l’apprentissage difficile n’est pas la complexité du tango mais le manque de spontanéité du danseur perturbé par de mauvais réflexes. Et nous allons voir que ces mauvais réflexes ont tous un point commun : ils génèrent une tension musculaire trop importante.

Par exemple, la peur du déséquilibre, la peur de mal exécuter un mouvement provoque une accélération du déplacement et une radicalisation sur l’appui. Les muscles se crispent inutilement et la respiration est perturbée. Les couacs réels ou imaginaires apparaissant au cours de la danse et l’ambiance de la milonga tendent à augmenter encore le phénomène… Le danseur «se surplombe» ce qui facilite la sensation de déséquilibre et justifie encore les tensions.

C’est ainsi que se met en place un cercle vicieux où les tensions de la chaîne musculaire postérieure s’installent à demeure, sans même que les danseurs en aient conscience ! D’où l’idée de « mauvais réflexes » : si au contraire les tensions diminuent, le corps peut alors s’adapter et jouer spontanément à la façon des enfants. Toutes les figures peuvent alors apparaître naturellement.

L’hyperactivité musculaire dans le dos et les bras est très commune dans le tango. Or l’un des principaux axes de la méthode Françoise Mézières est justement la lutte contre les tensions des chaînes musculaires car source de maux. On entre donc dans une contradiction étonnante entre thérapie et tango, sauf à contester le travail extraordinaire de Françoise Mézières ou contester la réalité des tensions musculaires décrites ici.

  1. Conséquence de cette tension musculaire :

            Les muscles compressent le squelette et les articulations ne peuvent plus jouer leur rôle. Des douleurs aux épaules, bras ou mains, des maux de dos en tous genres sont dus ou aggravés par la pratique du tango… Ceci même si les méfaits se font parfois sentir à long terme. L’apprentissage du tango est alors plus long et douloureux…

            Ces tensions sont d’autant plus néfastes qu’il y a un effet de vases communicants entre les danseurs : les tensions de l’un débordent sur l’autre.

4° Le bien-être tanguero

D’accord pour mes pieds et mon dos, mais ça fait tellement de bien à ma tête. Ah ! Être pris dans les bras… Je pars en voyage…

            Je laisse à chacun le soin d’étayer ce passage trop personnel, sans pour rien au monde en contester la réalité. Il me parait d’autant moins utile de développer le point ici, vu que l’essentiel des conférences et articles sur le sujet en fait état. J’y crois beaucoup, même si les surtensions musculaires diminuent ces bienfaits.

5° Conclusion

            Un chercheur bienfaiteur de l’humanité donnait cette définition de la santé : « la santé, c’est l’état de fluide » (« Le corps à ses raisons » de Thérèse Bertherat).  Comment une crispation serait-elle bonne pour la santé ? Et puis la danse, c’est aussi la fluidité ; la fluidité, c’est la souplesse et la spontanéité.

             Ce n’est donc qu’en poursuivant ardemment cette quête de détente musculaire que le tango pourra commencer à ne pas être mauvais pour la santé !

            Le tango est une danse merveilleuse, mais ce n’est qu’une danse ! Et si nous la pensions ludique plus que thérapeutique ?

Je remercie pour son aide précieuse Catherine Pavloff, kinésithérapeute Mézièriste, ostéopathe, ex formatrice en anti-gymnastique et créatrice de la Gymnastique Posturale (Montpellier).

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2 réponses sur “brève de mars”

  1. Janronald,
    Je ne peux que partager tes réflexions et je suis touchée par ta connaissance du corps. En effet cela te permet de donner un enseignement tout à fait singulier, loin des clichés habituels. Pour moi ce qui est élégant, « c’est un corps qui fonctionne bien ». Alors lorsque je vois des danseurs en lordose ( cambrure), ou perchés sur des talons avec des chevilles qui louchent, gainés dans des costumes, l’élégance ne peut être au rendez vous.
    Trouver sa propre danse en respectant notre morphologie est en effet ce que tu nous proposes.
    Je ne vois cependant pas la nécessité de vouloir associer au tango une autre discipline, cette discipline se suffit à elle même, mais bien sûr travailler avec des enseignants qui cherchent et se documentent sur le « parangon » de F.Mézières, ne peut être que bénéfique pour permettre à chacun de trouver « sa propre danse ».
    Pourquoi faut il toujours associer le mot « thérapie » à tout ce que nous faisons? Le tango est un « art de vivre » et cela est tout à fait suffisant, tes milongas en sont le véritable témoin.

    1. Coucou agitateur volontaire du monde Tango!

      Je profite d’un moment de calme sur fond musical (non tango) pour t’apporter mon retour sur ces éléments très intéressants.

      Le Tango est-il bon pour la santé?

      * si l’on considère le fait de sortir de chez soi pour aller pratiquer une activité ludique, sociale, au même plan qu’une partie de belotte ou un atelier de cuisine, bien sur que oui! Mais on se coupe du sujet qui dès lors devient accessoire, ce qui a pour conséquence d’avoir des danseurs ou danseuses pas franchement motivés par la danse mais plus par les possibilités de rencontres. Cette population là, peu attentive par les fondements posturaux, plongent dans le piège du démonstratif, tels les oiseaux à la parade dans les préliminaires amoureux. Et je veux bien croire qu’alors, l’aspect bénéfique pour la santé est fortement contrarié par le peu d’écoute engendré par les tensions polluantes.

      * si l’on se place sur un plan purement médical, une étude a été réalisée il y a quelques années sur une population senior de tanguéros et tanguéras, qui étaient tous atteints de la maladie d’Halzeimer. La population avaient tous les critères de la maladie suite aux questionnements et au vu de leurs réponses aux tests, mais ne subissaient pas les conséquences au quotidien de la maladie. Pourquoi? Il semblerait que l’activité de mémorisation posturale en 3D et le déplacement entretienne des connexions neuronales Donc oui, bénéfice majeur dans ce cas précis.

      * si l’on se place sur le plan du comportement, je pense à une publicité pour une chaine fast-food où le message était je crois: ‘venez comme vous êtes’. Si ce n’est pas tout à fait ce slogan, se référer au point précédent qui montre que je dois pratiquer un peu plus pour dimininuer les effets bien réels de l’âge sur ma personne…
      Dans le cas du Tango, je constate que cette danse est révélatrice de la personnalité (danseur ou danseuse). Chaque pas, chaque détail de placement ou de maintien traduit l’individu qui a pu, dans certains cas, sortir de sa ‘coquille’, se révéler, s’affirmer. Pour cela, oui le Tango est bon pour la santé! J’ai vu par moi même des changements spectaculaires de comportements suite à une pratique de danse (Tango ou autres) sur des individus que je connais depuis des années.
      Ensuite, si la volonté d’écoute et de partage n’est pas présente, le caractère plus ou moins agréable du moment est révélé, et le bénéfice s’annule par manque d’harmonie. Le sujet devient autre: compatibilté entre individus. Avec un peu d’habitude, on glisse vers la morpho-psychologie mais qui a ses limites dans la danse, car on peut aussi être quelqu’un d’autre pendant un moment, révéler une part de soi sans que celle-ci soit la dominante de notre être au quotidien.

      * si l’on sur considère l’aspect pharmaceutique, la pratique régulière implique de prendre de soin de soi: s’habiller, se maquiller et se coiffer pour les danseuses, aller faire les boutiques pour avoir belle allure en soirée. Tous ces éléments concourrent au maintien en forme sur le plan moral, avec au moins un objectif fixé en tête, diminuant (je l’espère) la prise d’anxiolytiques dont notre pays est tristement recordman. Le chemin est loin pour que nos praticiens en médecine prescrivent des séances de Tango hebdomadaire au lieu de belles ordonnances profitables aux grands labos pharmaceutiques. Mais osons imaginer qu’un jour, un ministre de la santé soit un Tanguéro ou une Tanguéra, l’espoir est permis!

      * si l’on aborde le sujet du couple (au sens mari/femme, pas couple de danse), il n’est pas si évident de répondre. Tout d’abord le déséquilibre de niveau, d’aptitude, d’implication dans le sujet ont comme conséquence une difficulté bien réelle dans l’expression de chaque protagoniste, et par conséquent dans l’harmonie du couple. Si tout le monde est d’accord sur le fait que la beauté doit émaner du couple entier sur la piste, il est plus difficilement admis que l’accord peut-être bien plus ‘facile’ ou naturel avec une tierce personne! Et là, les tensions dans le couple marié ne sont plus musculaires. J’ai toujours été surpris (et continue de l’être) de constater que dans des domaines autres tel le sport, il est logique et admis de pratiquer avec une autre personne de meilleur niveau ou avec qui l’on s’entend bien, c’est normal. Mais dans le cas du Tango (comme pour d’autres danses de couple), il ne faut pas oublier les inquiétudes que réveillent le fait de prendre une cavalière dans ses bras, ou qu’une cavalière s’abandonne dans les bras d’un autre. Certains couples ont trouvé des solutions: pas de changements de partenaires ou très peu, ou encore d’autres recettes que j’ignore (et aimerais bien connaître). Je veux bien croire alors qu’ils transcendent cette pratique par la facilité de travailler ensemble plus régulièrement. A ce titre l’effet sur la santé est forcément bénéfique!

      Bon, ben je crois t’avoir fait part de mes avis, mes points de vue.
      Ils n’ont que peu de valeur car limité à mon expérience de ‘jeune danseur’, mais désireux d’apprendre sur moi-même via cette pratique, et soucieux de ne former qu’un avec ma partenaire lors de réunion sur la piste.
      Car oui, trouver pour quelques minutes l’harnomie entre mouvements calés sur la musique, guider sans contraindre, laisser s’exprimer sa partenaire, alterner mouvements plus spectaculaires de l’extérieur et partages de pas frolants le parquet, oui ça c’est le kiff grave!!!! Au point parfois de provoquer un étourdissement, une parenthèse de plaisir au milieu d’une foule, sous des regards envieux ou désapprobateurs.
      C’est ma vision et ma recherche.

      Allez grand tanguéro, à très bientôt pour que tu corriges (à la truelle ou au pinceau fin) mes erreurs sur la piste!

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      Jean Louis Doucet :
      Le tango… bon pour la santé ?

      Selon l’OMS la santé est un êtat de bien-être total physique, psychique et social ! Autant dire que c’est la pierre philosophale ! Pour R. LERICHE c’est :  » La vie dans le silence des organes ». Pour Thérèse BERTHERAT c’est la fluidité qui définirait la santé. Comment savoir dès lors si on est en bonne santé ! C’est le cas de dire que l’on ne sait plus… sur quel pied danser ! J’aime beaucoup la façon dont tu critiques cette tendance à trouver dans le tango des vertus thérapeutiques alors que, comme tu le montres bien, le tango est plus une source de contraintes physiques que de développement harmonieux de notre système musculo-squelettique. Pour autant, limiter la santé à sa composante physique c’est réduire le vivant humain à une certaine quantité de viande en mouvement. Comme tu le soulignes danser le tango, cela fait drôlement du bien, être dans les bras de quelqu’une ou quelqu’un pendant 3 minutes avec une tiercéité musicale c’est quand même quelque chose de très exceptionnel dans notre mode de vie actuel. Est-ce que ce n’est pas ce côté décalé, un peu fou pour notre époque dont les critères majeurs sont la rentabilité et l’efficacité, qui fait que le tango, cela fait du bien. Alors certes, il y a des contraintes, sur les pieds, les muscles, des tensions….mais elles ont peut-être, tout de même, un certain intérêt, c’est…de ne servir à rien ! Le tango, cela ne sert à rien, mais ce rien il se fait à deux où plutôt à deux plus un car la mélodie rythmée en est consubstantielle. Dans ce  »ménage à trois » circule quelque chose de tout à fait indéfinissable, inqualifiable, qui relève, je le crois, de cette dimension humaine singulière à savoir que nous sommes des corps parlants. Ce quelque chose qui circule est à situer à mon sens, du côté du désir singulier de chaque danseur, désir toujours articulé à une absence que nous ne pouvons combler mais que nous cherchons en vain, dans nos saccades et autre boléos, à saisir au moment même où il nous échappe. S’il y a une fluidité c’est celle du désir mais, celle-ci est-elle corrélée à une fluidité du corps ? Peut-être…
      Amities
      JL

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