« Le tango c’est de la marche. » Phrase dite dans le consensus général, par les danseurs puristes qui s’attachent à l’essentiel ! Ceci afin de se détacher des figures prétentieuses et superficielles, afin de se placer aux côtés des vieux milonguéros. Bref le tanguero, le vrai… Si bien qu’il paraît impossible de contredire une telle affirmation. Mais pourquoi de la marche? Pourquoi réduire une danse aussi riche à de la marche ? Pourquoi malmener le tango encore et encore ??? Sans parler des bals bondés où là, parler de marche est totalement aberrant puisque les danseurs font plutôt du surplace en se tournant autour !!! Et s’il ne s’agissait que d’une phrase réductrice ! Cette affirmation péremptoire a d’autres conséquences néfastes…
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Qu’est ce que la marche ?
La marche est généralement admise comme étant le mode de locomotion de l’homme et de certains animaux, qui posent un pied, puis l’autre »
C’est donc un moyen de locomotion. Cette notion met en avant la notion de déplacement et de but à atteindre.
La marche (…) vise un objet précis. Elle est un acte dirigé vers quelque chose que notre but est de joindre (Valériy, Variété V,1944, p.149)
Or, je répète une idée qui m’est chère, dans le tango on ne va nulle part !!!
Le tango est un moyen de locomotion ? « Bon je vais faire mon marché en tango ce matin.»…
Et puis à quoi ressemblerait alors l’assemblée de danseurs tournant en rond agglutinés sur une piste, si ce n’est à des fous lobotomisés ?
On pourrait éventuellement se rapprocher de la déambulation, mais là encore la notion de déplacement est trop centrale.
Disons que nous pouvons danser en marchant, mais qu’une danse ne peut se définir comme de la marche.
Donc non le tango n’est pas de la marche. Si cette phrase incohérente n’était pas néfaste, écrire trois mots dessus n’aurait pas de sens. Ce n’est malheureusement pas le cas…
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En effet, considérer le tango comme une marche est une idée restrictive qui retarde l’apprentissage du tango. Suivant cette idée, le danseur met un enjeu disproportionné dans sa destination. L’endroit où il va devient primordial. Cet enjeu est conforté par l’ensemble des figures que ses professeurs lui demandent de reproduire, le but à atteindre étant la position de fin de la figure. Le danseur a tendance à accélérer son déplacement et à se radicaliser sur sa position finale voir sur chaque appui. Il a tendance à oublier ce qu’il partage avec l’autre dans l’instant présent. Pire il a peur de son déséquilibre car ce déséquilibre risque de lui faire rater son objectif! Peur des danseurs qui l’entoure car ces danseurs risquent de le gêner dans l’exécution de ses projets ! D’où une baisse de la fluidité, une connexion dans le couple et une improvisation plus difficile, une façon de marcher plus rigide. Beaucoup de danseuses ne se sortent pas de la propulsion. Elles prennent la danse de couple comme une somme de déplacements et d’ordres à exécuter. Leurs jambes les propulsent à droite à gauche devant ou derrière ou bien les font pivoter avec vigueur !! Tango = déplacement = marche.
Pour moi, l’important réside dans ce corps à corps décontracté et enlacé, ces pieds qui glissent sur le sol et ces corps qui s’enracinent ensembles à chaque nouvel appui. De cette façon on ne voit de l’extérieur plus qu’une danse et seulement une danse. Le déplacement devient tellement secondaire qu’on ne le voit plus. On ne voit que de la poésie et de la musicalité.
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Alors, le tango, une marche ? Seulement si on considère que la marche comme le tango est une succession de déséquilibres !!!!!!!
Ce n’est malheureusement pas dans ce sens qu’est comprise notre expression.
En définitive, la seule raison constructive pour laquelle nous pourrions assimiler le tango à de la marche est le plus souvent piétinée à grands coups de talons…